albad

    « La folie, c’est de faire toujours la mĂȘme chose et de s’attendre Ă  un rĂ©sultat diffĂ©rent », une citation souvent attribuĂ©e Ă  tort Ă  Albert Einstein.

    En réalité, il s'agit d'une paraphrase inspirée de la scénariste et romanciÚre états-unienne Rita Mae Brown qui écrivit dans Sudden Death (1983) :

    « Insanity is doing the same thing over and over again and expecting different results. », soit « La folie consiste Ă  faire la mĂȘme chose encore et encore et Ă  attendre des rĂ©sultats diffĂ©rents ».

    Une citation parfois traduite ainsi : « La folie consiste Ă  refaire sans cesse la mĂȘme chose, mais en espĂ©rant un rĂ©sultat diffĂ©rent. »

    Source : Rita Mae Brown, Sudden Death, Bantam, New York, 1983, p. 68 ; autre source dans Alice Calaprice, The Ultimate Quotable Einstein, Princeton University Press, Princeton, 2011.

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    ☆☆☆Merci Albad pour cette pensĂ©e☆☆☆

    En ce qui me concerne, elle correspond Ă  ce que je vis.

    DĂ©signant tour Ă  tour un espace gĂ©ographique, une idĂ©ologie politique et le mythe d’une civilisation des steppes, l’Eurasisme est nĂ© il y a prĂšs d’un siĂšcle suite Ă  la RĂ©volution d’Octobre. Depuis les annĂ©es 2010, l’idĂ©e connait un regain de popularitĂ© en Russie, jusqu’au sommet du Kremlin.

    De la crĂ©ation de l’Union Ă©conomique eurasiatique dans les annĂ©es 2010, Ă  la volontĂ© de mettre en place, une Grande Eurasie, le prĂ©sident russe Vladimir Poutine choisit d’inscrire la Russie dans une gĂ©ographie la plaçant au centre du monde. Craignant de se retrouver marginalisĂ© entre une Union EuropĂ©enne de plus en plus intĂ©grĂ©e et une Chine de plus en plus puissante, Moscou a trouvĂ©, avec l’idĂ©e d’Eurasie, une maniĂšre de reprendre la main.

    Ce positionnement revisite l’eurasisme, thĂ©orie politique d’abord dĂ©veloppĂ©e par l’émigration blanche dans les annĂ©es 1920. Pour les penseurs eurasistes, comme NikolaĂŻ TroubetskoĂŻ, la Russie n’est ni slave, ni occidentale, mais eurasienne, une civilisation Ă  part. Cette derniĂšre est imprĂ©gnĂ©e de l’orthodoxie slave bien sĂ»r, mais aussi de l’islam des peuples turcophones. Abondamment dĂ©veloppĂ©e hors des frontiĂšres de l’Union soviĂ©tique, qui rejette l’hĂ©ritage religieux dont ses penseurs se prĂ©valent, le concept est revisitĂ© Ă  l’intĂ©rieur de l’URSS par Lev Goumilev, qui y ajoute une forme de dĂ©terminisme environnemental. Ses idĂ©es ont connu une certaine postĂ©ritĂ© en Russie, Poutine ayant lui-mĂȘme citĂ© Goumilev dans des discours, mais Ă©galement au Kazakhstan, oĂč l’ancien prĂ©sident Noursoultan NazarbaĂŻev a créé une universitĂ© Ă  son nom. Dans la Russie contemporaine, c’est dĂ©sormais un nĂ©o-eurasisme d’extrĂȘme droite qui s’invite dans le dĂ©bat public, portĂ© notamment par Alexandre Douguine.

    De quel eurasisme Vladimir Poutine est-il l’hĂ©ritier ? Comment rĂ©actualise-t-il aujourd’hui ce concept ? Quel bilan dresser de l’Union Ă©conomique eurasiatique, premiĂšre dĂ©clinaison concrĂšte de son rĂȘve eurasien ? Comment passe-t-il de celle-ci Ă  son nouveau projet de « Grande Eurasie » ?

    Il y a un tournant scientiste de l’eurasisme dans la thĂ©orie de Goumilev puisqu’un dĂ©terminisme biologique se met en place avec un diffĂ©rentialisme qui n’est pas racial, mais liĂ© Ă  une Ă©nergie interne. Une sorte d’énergie atomique ou nuclĂ©aire, qui est propre Ă  certains peuples et nous mĂšne quelque part. Vladimir Poutine, parfois, reprend cette idĂ©e dans ses discours. Michel Eltchaninoff

    Du cĂŽtĂ© du Kremelin il y a une volontĂ© de renforcer la dimension politique de cette union mais pour l'instant il y a une sorte de consensus sur l’idĂ©e qu’il faut avancer en prioritĂ© avec la sphĂšre Ă©conomique. David Teurtrie

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    Le néo-eurasisme d'Alexandre Douguine

    Parmi les figures communĂ©ment associĂ©es Ă  l’eurasisme, celle du penseur Alexandre Douguine s’impose aujourd’hui comme centrale. Pourtant, ce mĂ©diatique conservateur Ă  la longue barbe raspoutinienne, parfois crĂ©ditĂ© de murmurer Ă  l’oreille du Kremlin, dĂ©fend une idĂ©ologie bien Ă©loignĂ©e de l’eurasisme des origines. 

    Un point de diffĂ©rence entre eurasisme originel et nĂ©o-eurasisme, c’est que Douguine apporte des Ă©lĂ©ments raciaux et un discours arien inspirĂ© par l’extrĂȘme droite europĂ©enne qui n’était pas du tout prĂ©sent chez les eurasistes. Les pĂšres fondateurs Ă©taient bien plus intĂ©ressĂ©s par la mixitĂ© entre peuple slave et peuple turcique. La grosse diffĂ©rence, Ă©galement, est que Douguine a une lecture gĂ©opolitique, et uniquement gĂ©opolitique, de l’eurasisme extrĂȘmement agressive tandis que les pĂšres fondateurs Ă©taient plutĂŽt dans une sorte de dialogue des civilisations. MarlĂšne Laruelle

    Encore deux ou trois mots sur la rĂ©ification en cours (cf. infra), afin d’avancer quelques pistes de rĂ©flexion qui permettent de ne pas se laisser aller au "dĂ©senchantement du monde", la nouvelle grisaille de la rĂ©alitĂ© sociale, la dystopie qui vient...

    De quoi "l’obligation du port du masque" — aberrante des points de vue scientifique, logique et mĂ©dical — est-elle le symptĂŽme?

    Puisqu’il ne "protĂšge pas contre le coronavirus" (c’est Ă©crit sur la boĂźte) le masque doit ĂȘtre ramenĂ© a sa fonction premiĂšre qui est de masquer, mais que masque-t-il?

    Du temps oĂč il Ă©tait encore subversif, Slavoj ĆœiĆŸek nous avait gratifiĂ© d’une analyse concernant le projet de loi en France (2010) portant sur l'interdiction du voile intĂ©gral dans les rues et autres lieux publics... Il avait rappelĂ© dans sa critique que si la rencontre d'un visage masquĂ© (d'une burqa) dĂ©clenche un malaise, ce n’est pas tant que le visage ainsi couvert n'est plus le visage levinassien (cette AltĂ©ritĂ© d'oĂč Ă©mane un appel Ă©thique inconditionnel) mais qu’il s’agit plutĂŽt du contraire, Ă  savoir que du point de vue strictement freudien, le visage est dejĂ  le masque ultime qui dissimule l'horreur de la Chose-prochain: le visage est ce qui permet de faire du Prochain le semblable, une personne avec laquelle nous pouvons nous identifier, Ă©ventuellement sympathiser...

    Si pour les enfants (cf. infra) le visage masquĂ© cause de l’anxiĂ©tĂ©, c’est qu'il nous confronte directement Ă  l'abysse de la Chose-autre, au

    Prochain dans sa radicale dimension d'inquiétante étrangeté.

    La dissimulation mĂȘme du visage supprime un bouclier protecteur,

    de sorte que la Chose-autre nous dĂ©visage directement... Le commandement «Tu aimeras ton prochain comme toi-mĂȘme!» (cf. Lacan nous et le RĂ©el – 37) revient prĂ©cisĂ©ment Ă  demander l'impossible, Ă  savoir un amour rĂ©el pour le sujet dĂ©subjectivĂ©, libĂ©rĂ© de sa subjectivitĂ©, de la lĂ©gende de son "moi" (cela explique que durant la cure psychanalytique, l’analysant n'est pas placĂ© face Ă  l'analyste, tous deux fixent un point tiers, car seule cette suspension du vis-Ă -vis ouvre un espace propre Ă  la vĂ©ritable dimension du Prochain...)

    Dans un de ses contes, Alphonse Allais prĂ©sente sa version de la danse des sept voiles de SalomĂ©: alors qu’elle est complĂštement nue, le roi rugit: «Encore! Encore!», indiquant qu'elle doit se dĂ©faire aussi du voile de sa peau.

    Cela nous conduit Ă  faire encore un dĂ©tour par le concours de peinture entre Zeuxis et Parrhasios: Zeuxis a peint un tableau reprĂ©sentant des raisins si fidĂšlement qu’il a rĂ©ussi Ă  tromper l'Ɠil des oiseaux.

    Mais c’est Parrhasios qui triomphe du concours «d’avoir su peindre sur la muraille un voile, un voile si ressemblant que Zeuxis, se tournant vers lui, lui a dit – Alors, et maintenant, montre-nous, toi, ce que tu as fait derriĂšre ça.»

    Lacan en conclut au «triomphe, sur l‘Ɠil, du regard.»

    Le voile peint pour donner l'illusion qu'il y a quelque chose derriĂšre – alors qu'il n'y a rien! – rĂ©vĂšle (voile Ă  nouveau) que le voilement est indissociable de la rĂ©alitĂ© vue, le voile n’a pas d’autre fonction que de montrer qu’il n’y a rien (d’autre) Ă  montrer, un rien-Ă -cacher absolument rĂ©el aussi longtemps qu’il demeure cachĂ©, voilĂ©, masquĂ©. De mĂȘme que le voile ne peut ĂȘtre retirĂ© de la peinture de Parrhasios, le voile ne peut ĂȘtre retirĂ© de la reprĂ©sentation de la femme sans rĂ©vĂ©ler son artifice... MĂȘme nue, elle reste habillĂ©e de sa peau.

    Ce parallĂšle avec le fĂ©minin nous amĂšne Ă  repenser l’image comme imitation, non pas imitation de "la rĂ©alitĂ©" telle qu’on pourrait s’y attendre, mais l’image en tant que signifiant, c’est Ă  dire semblant, semblant indiquer une rĂ©alitĂ© cachĂ©e...

    «Il n’y a rien d’autre derriĂšre, que ce en quoi il faut s’en tenir au support du semblant, certes, en tant que ce semblant est semblable Ă  l’articulation de ce qui ne peut se dire que sous la forme d’une vĂ©ritĂ© Ă©noncĂ©e.

    C’est-Ă -dire que comme dĂ©voilement nĂ©cessaire, c’est-Ă -dire incessant.» (Les non-dupes errent)

    Ainsi ce dĂ©tour par le fĂ©minin et sa mascarade nous aura-t-il conduit Ă  ce que la pensĂ©e qu'il existerait un fĂ©minin en-soi et pour soi, hors d'atteinte du regard masculin, cette idĂ©e d'un MystĂšre Ă  jamais insondable et inaccessible purement fĂ©minin est le fantasme masculin par excellence, en nous posant la question: «Et si le vĂ©ritable scandale que le voile essaie d’obscurcir n’était pas le corps fĂ©minin, mais l’INEXISTENCE de LA femme elle-mĂȘme?»

    L’actualitĂ© de cette question aujourd’hui est bien sĂ»r: «Et si l’obligation de porter un masque n’était rien d’autre que le commandement obscĂšne de se voiler la face devant l’évidence du fait que si le coronavirus est rĂ©el, sa contagion, sa transmission, sa propagation est exclusivement symbolique, c’est Ă  dire d’ordre idĂ©ologique?

    “Il y a une patience dans la vie sauvage — obstinĂ©e, inlassable, pendant d'interminables heures, l'araignĂ©e dans sa toile, le serpent dans ses anneaux, la panthĂšre en embuscade ; cette patience est tout particuliĂšrement celle de la vie quand elle chasse la nourriture qui la fait vivre.”

    — Jack London